L'Antre de la folie

L'HOMME DÉMOLI
-
ALFRED BESTER

RÉSUMÉ :

“Ben Reich a la fortune et le pouvoir, mais il reste un seul obstacle à son bonheur, un ennemi qui le hante jusque dans ses cauchemars : Craye D’Courtney. Pour en finir avec ce problème, il ne lui reste plus qu’une solution : le meurtre. Mais comment pourrait-il arriver à tuer un homme, dans une société où les meilleurs policiers sont télépathes et où aucun crime n’a été commis depuis plus de soixante-dix ans ? Et, surtout, comment ne pas se faire prendre ? Car, si la culpabilité de Reich est prouvée, la sanction tombera, sans appel : il sera immédiatement condamné à la démolition.”

INFOS TECHNIQUES

Titre : L’Homme démoli
Auteur : Alfred Bester
Date de première publication : 1953 (États-Unis)
Éditeur français : J’ai Lu (première traduction en 1959, éditions variées depuis)
Langue originale : Anglais (en)
Titre original : The Demolished Man
Traduction française : Michel Demuth (pour la version la plus connue)
Genre : Science-fiction, Anticipation, Thriller psychologique
Nombre de pages : Environ 250 pages selon les éditions
Prix : Prix Hugo du meilleur roman (1953)
ISBN (édition J’ai Lu) : 978-2-290-31960-3

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Je vous partage cette vidéo d’un youtubeur que j’ai découvert il n’y a pas très longtemps, Pourquoi c’est bon, et d’ailleurs je vous recommande sa chaine qui parle de livres et film SF, horreur fantastique et parfois philo. C’est toujours sourcé, le gars fait beaucoup de correspondances entre les œuvres, et il est vraiment passionné par son sujet, donc passionnant à écouter !

Et voici la vidéo de Amy Plant sur les nouveaux plans des géants de la tech. Vous allez voir qu’un monde où les être humains pourraient communiquer des émotions par la pensée ne sera peut être bientôt plus de la science fiction. Il y a déjà des avancées incroyables notamment pour aider les personnes tétraplégiques.

L'homme démoli, affiche du livre de Alfred Bester, littérature SF, société, télépathie

Par Kevin Kozh n’air

22 mai 2025

Ce roman magnifique a eu le temps de devenir une giga référence dans le monde SF avant de se faire plus discret de nos jours. Il s’agit du premier roman de Alfred Bester, ancien scénariste chez DC comics, qui a obtenu le prix Hugo (pour rappel, le plus grand prix de la littérature de l’imaginaire) en 1953, excusez du peu !

 

Il est amusant de voir à quel point des œuvres qui ont été écrites il y a 70 ou 80 ans résonnent encore avec tant de force aujourd’hui. Bien sûr, vous trouverez toujours sur les internets un geek pour trouver une faille dans la vision prophétique de l’auteur. Et c’est vrai que Azimov, Claark et K.dick n’ont pas été foutus de prédire l’arrivée des smartphones, ils sont si nuls… ! De mon côté, je suis vraiment fasciné de voir à quel point les problématiques abordées et les personnages mis en scène, un peu stéréotypés parfois je le reconnais, semblent néanmoins si proches de nous…

 

C’est d’autant plus frappant que l’élément SF central, à savoir une société où une partie de la population composée de télépathes (appelé ici extrapers), sert justement à mettre en lumière quelque chose de très humain : les clivages sociaux, l’organisation de la société, la même justice pour tous, etc…

 

Dans un futur plus ou moins proche, l’humanité vit dans un monde presque parfait. Du travail pour tous (et poc Macron !), criminalité éradiquée grâce aux télépathes intégrés à la police et une société qui semble rouler comme sur des roulettes. Un monde presque parfait ? peut-être pas tant que ça…Les plus grandes multinationales sont devenues si puissantes qu’elles constituent un véritable contre-pouvoir. Leur PDG ont même développé un code secret pour communiquer entre eux. Tout rapprochement avec le GAFAM n’est que fortuit. Et au sommet de cette pyramide, Ben Reich, l’homme le plus riche du monde, maître des médias et marionnettiste de l’opinion publique. Ses leviers s’étendent jusqu’aux politiques, à la police, et même à la puissante guilde des extrapers. Tout rapprochement avec Bernard Arnault n’est que fortuit.

 

Mais poser des problématiques proches des nôtres n’est pas la principale force du roman. La grosse surprise a été de sa façon de mêler les genres : ce roman est en réalité…un polar ! Plus précisément un “howcatchthem”. Je vais faire un léger spoiler mais rien de dramatique : très tôt dans le roman, nous voyons Reich planifier le meurtre, puis le  mettre en oeuvre. Le nœud narratif peut se résumer ainsi : Reich qui cherche à passer entre les mailles de l’enquête  VS Lincoll Powell, flic et également membre de la guilde des télépathes (je me l’imaginais avec les traits de Columbo), qui sait que Reich est coupable, mais doit dénicher des preuves tangibles pour le coincer. Face à un adversaire aussi puissant, capable de corrompre jusqu’au cœur de la guilde, Powell sera-t-il à la hauteur ?

Photo portrait de Alfred Bester, auteur de romans SF
©Vocal Media, portrait de Alfred Bester

J’ai adoré la manière dont Bester joue avec les propres règles de l’univers qu’il a créé. En ce sens, ce livre m’a fait pas mal penser à Death Note, dans cette façon que les deux rivaux ont d’aller toujours plus loin dans l’anticipation du mouvement de l’autre, comme dans une partie d’échec. J’ai pensé aussi à ce très bon film avec Anthony Hopkins et Ryan Gosling, la Faille, une sorte de jeu du chat et de la souris entre un criminel et un avocat.

Autre élément que j’ai beaucoup aimé : la  simplicité et le style virevoltant de l’auteur. Il est parvenu et rendre compte de ce à quoi pourrait ressembler la transmission télépathique par une mise en page intelligente et originale. Notamment lors d’une scène de discussion entièrement télépathique entre plusieurs personnages, on assiste à un enchaînement de nuages de mots, la grammaire a disparu, mais l’idée, voire l’image comme mode de communication est également compréhensible par le lecteur !


Les extrapers ont également la possibilité de se transmettre des émotions, ainsi les images que nous voyons au quotidien, et les émotions par lesquelles on est passé peuvent devenir un historique à charge durant une enquête. Je vous partage une vidéo de Amy Plant, une développeuse qui est passée par l’école 42 et qui fait des vidéos sur la tech, dans cette vidéo elle nous parle des futurs des idées de développements des géants de la tech du SiIlicon Valley, et l’impact quasi inévitable sur nos futurs vies à nous. Elle y parle notamment de la frontière toujours plus mince entre leurs recherches en médecine et dans les nouvelles technologies pour avoir, peut-être un jour, la possibilité de se transmettre les émotions par la pensée. Je serais peut être un plus critique sur son enthousiasme face à cela, c’est vrai que c’est fascinant mais à titre personnel cela me terrifie. En tout cas, c’est l’une des raisons pour laquelle je tenais à vous parler de roman, car il explore ce qu’est un monde où l’intimité n’existe plus. Et encore, le roman fait focus sur l’enquête policière, mais cela suffit à nous faire réfléchir.


De plus, il y a un vrai style dans les dialogues, c’est d’ailleurs pour cette raison que le fait que les personnages soient légèrement stéréotypés n’est pas dérangeant. Ils ont une façon de penser et de s’exprimer qui leur est propre et cela les rend attachants. Prenons par exemple Reich, qui répète plusieurs fois dans le roman “créez-vous des ennemis par choix, pas par accident”, et je trouve que cela reflète parfaitement son machiavélisme. Du côté de Powell, lors du début de l’enquête lorsqu’il arrive sur la scène de crime et que les gens présents sur les lieux sont des suspects potentiels, il met en scène une fausse dispute avec un policier qui se montrait volontairement exécrable pour gagner en capital sympathie. C’était une idée brillante, peut être inspirée de faits réels, who knows. C’est le genre de flic qui ménage tout le temps son effet de surprise. Parfois lorsqu’il interroge quelqu’un, on ne se rend pas compte de là où il veut en venir, puis soudain, les mots prennent sens, on commence à apercevoir le piège qui se referme sur son interlocuteur, il y a un petit côté Sherlock Holmes qui n’est pas désagréable.


La thématique du milliardaire qui a budget illimité face aux services de police qui eux disposent de peu de moyens fait aussi écho à l’actualité, et cela fait partie des sujets qui m’intéressent. C’est limite rassurant de se dire que nos problèmes actuels ont déjà été vécus et réfléchis par les sociétés passées ! Comme quoi, l’histoire est une boucle qui se répète à l’infini. Bester nous offre aussi une réflexion sur le monde carcéral et les peines capitales, quasiment vingt ans avant Surveiller et punir de Foucault, si cher à Damasio ! L’homme n’est pas condamné à mort, mais à la Démolition, et je vous laisse tout le loisir de découvrir ce que cela signifie en vous plongeant dans cet univers.


Si je vous ai convaincu de le lire, vous allez découvrir un petit goût de Philip K. Dick avant l’heure, et je pense que la fin pourrait vous rappeler un certain Ubik ! Brian De Palma avait d’ailleurs voulu l’adapter au cinéma, mais il n’a pas pu car le projet était trop ambitieux et onéreux pour ses producteurs… Quel dommage !

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