L'Antre de la folie

Critique à chaud de cette série qui s’annonçait comme le successeur de Lost, une autre série qui m’avait maintenu en haleine pendant TRÈS longtemps. Je n’étais pas encore critique sur mes consommations de séries, mais j’avais adoré les mystères autour de cette île, et la bascule dans une registre de plus en plus fantastique au fil des saisons. Bon pour la dernière saison j’étais tout de même en mesure de comprendre qu’on se foutait royalement de ma gueule et que les scénaristes n’avaient pas plus idée que moi de la façon dont tout ça allait se terminer, mais n’empêche, j’y repense avec nostalgie rêveuse !

FROM

RÉSUMÉ :

Une ville perdue aux États-Unis piège tous ceux qui y entrent comme dans un purgatoire. Les habitants tentent de conserver un semblant de normalité, mais la forêt et les créatures qui en sortent dès que le soleil se couche les guettent.

INFOS TECHNIQUES

Date de sortie 20 février 2022
Mettant en vedette Harold Perrineau Catalina Sandino Moreno Eion Bailey
Réalisation Jack Bender Brad Turner Jennifer Liao Jeff Renfroe Alexandra La Roche
Genre Horreur Science-fiction
Durée Environ 45 minutes par épisode
Budget Non spécifié
Recette Non spécifié
Titre original de la série From
Langue originale de la série Anglais (en)
Profil IMDb

PRODUCTION

Pays de production États-Unis d’Amérique

Sociétés de production Midnight Radio Gozie AGBO MGM Television MGM+ Studios

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ALLER PLUS LOIN...

Je vous partage cette vidéo qui analyse les symboles, les correspondances avec d’autres œuvres de fiction, dont the Yellow King qui a l’air intéressant, et quelques théories pour la suite de la série.

Si vous vous êtes posés la question, l’acteur qui joue le monstre roux n’est pas retouché, son sourire est le plus terrifiant du monde…

L’acteur Scott McCord est si différent de son personnages Viktor, c’est insane !
Les réactions illogiques des personnages be like : 
Image tirée de la série From, avec Harold Perrineau qui fuit un monstre

Par Kevin Kozh n’air

2 mars 2025

16 mars 2025

Note globale : 2,5/5

Critique à chaud de cette série qui s’annonçait comme le successeur de Lost, une autre série qui m’avait maintenu en haleine pendant TRÈS longtemps. Je n’étais pas encore critique sur mes consommations de séries, mais j’avais adoré les mystères autour de cette île, et la bascule dans une registre de plus en plus fantastique au fil des saisons. Bon pour la dernière saison j’étais tout de même en mesure de comprendre qu’on se foutait royalement de ma gueule et que les scénaristes n’avaient pas plus idée que moi de la façon dont tout ça allait se terminer, mais n’empêche, j’y repense avec nostalgie rêveuse !

 

Voyons voir si la magie opère à nouveau avec From, on est plus sur une île déserte mais prisonnier d’un village en pleine forêt où des monstres tortionnaires rôdent en la nuit. Tout en essayant de comprendre leur nouvel environnement, les malheureux égarés tentent d’organiser leur survie. Du mystère et du fantastique un peu horrifique comme on aime, et en plus on retrouve Harold Perrineau de Lost, que demande le peuple ?

 

Je vais faire une critique très détaillée sur cette série, sur ce qui marche, mais aussi et malheureusement beaucoup sur ce qui marche moins… Car en effet, si cette série possède des acteurs solides, un pitch aux petits oignons, des rebondissements et des décors bien lugubres, elle se sabote en permanence dans ses incohérences, sa surenchère et son rythme absolument chaotique. On décolle ? Aller hop, je viens de croiser un SPOILER carrément je m’assois tellement c’est trop !

Introduction des personnages

Histoire de commencer sur une note positive et ne pas vous montrer trop vite mon côté aigri, laissez moi vous présenter quelques personnages que j’ai trouvé intéressant, quoique légèrement stéréotypés, soyons honnête (oh non, l’aigreur est déjà…), mais attachant malgré tout, où plutôt malgré eux. La série ouvre le bal avec la famille Matthews qui se rend en vacances grâce au super camping car de papa Matthews, les parents Jim et Tabitha se regardent amoureusement et échangent des anecdotes rigolotes, nous montrant sans aucune subtilité leur complicité de parents parfaits qui nagent dans l’océan tout bleue de l’amour. A l’arrière, Julie s’amuse à faire peur à son petit frère qui lit un livre d’aventure et parle mal à ses parents, parce que… Et bien parce qu’elle a 16 ans et c’est ce que font les jeunes filles de 16 ans, j’imagine ? Mais Tabitha rassure le petit Ethan en lui rappelant que les monstres n’existent pas (Poke 😉 ). Vous l’aurez compris ? La famille parfaite, qui va se retrouver salement dans de beaux draps…

 

Le cliché de la famille type de l’american way of life ne me choque pas pour le moment, il aide à s’identifier plus facilement aux personnages et s’investir émotionnellement au fil des épreuves qu’ils vont traverser. La famille se retrouve nez à nez avec un arbre tombé sur la route, et des corbeaux font une danse folle autour d’eux, creepy n’est-ce pas ? Peut être un peu trop pour une scène d’ouverture ? Je ne saurais pas dire pourquoi, probablement les dialogues, les réactions des personnages peu naturelles où alors la mise en scène un peu trop théâtrale (“Jim, regarde un peu les corbeaux, bizarre l’ambiance ?”), mais mes craintes ont commencé à ce moment-là, l’épisode vient de commencer depuis 5 minutes. Bref, la famille fait demi-tour et arrive au village.

 

Passons maintenant à un autre personnage que j’aime beaucoup : Boyd qui est incroyablement bien interprété par Harold Perrineau (Je pense vraiment que sans lui je ne serais pas aller jusqu’au bout des 3 saisons tant il porte la série.). Boyd c’est l’ancien marins qui en arrivant dans le village il y a quelques années s’est dit bon je vais remettre un peu d’ordre dans ce merdier. Il a trouvé les talismans qui empêchent les monstres d’entrer dans les maisons, organisé la vie collective à base d’entraide, et surtout, rapporté un peu d’espoir dans un village qui n’était pas en pleine foforme. Il est secondé par le petit Kenny, un jeune shérif dynamique, amoureux des livres et vouant une véritable admiration pour lui.

 

Les Matthews arrivent comme des gros touristes avec leur camping car mais se rendent compte que l’ambiance n’est pas au beau fixe : le village est en plein enterrement. Boyd, secondé par Kenny et le Père Kathri, le prêtre plein de sagesse dont la Foi n’est pas incompatible avec quelques tartes de la gueule quand le faut, rappelle aux membres du village de ne pas remarquer la présence des Matthews, les laisser faire leur petit tour et comprendre par eux-mêmes qu’ils sont désormais pris au piège. En termes de lore, évoquer un protocole pour accompagner les nouveaux arrivants en leur faisant faire accepter leur sort de façon la plus autonome possible est une idée intéressante, d’autant plus dans un village qui compte sur une ardoise le nombre de jours passés sans incident. Après avoir mis un ⅕ sur tripadvisor pour l’accueil, les Matthews quittent le village, continuent leur route et finissent par…retourner sur leur pas ! Un soupçon de panique commence à apparaître, car Jim n’a pourtant pas fait demi-tour. Lorsqu’ils se rapprochent du village pour la 14éme fois, un véhicule dont ce n’est certainement pas un panneau de limitation de vitesse qui va lui dire ce qu’il a à faire percute violemment le camping car. Les deux véhicules sont dans le fossé, et la nuit arrive…

 

Bon, pour ne pas paraphraser toute la série, je vous passe les détails du sauvetage des Mattews, la mauvaise nuit qu’ils ont passée dans leur camping car renversé, leur rencontre avec les monstres, ces scènes fonctionnaient plutôt bien. Arrêtons nous un peu sur le personnage Jade, nouvellement introduit par l’accident. Ce nouveau riche un brin narcissique, parfait croisement entre Jimy Neutron et Jack Sparrow, m’a beaucoup surpris. D’un pragmatisme chirurgical, Jade met un temps fou à comprendre que tout ce village avec ses monstres n’est pas un gigantesque prank organisé par son coéquipier, un peu comme dans The Game de David Fincher. Il mettra tout de même 3 épisodes à comprendre l’enfer dans lequel il se trouve, lorsque Kenny le met face à son coéquipier malheureusement décédé (On ne saura d’ailleurs jamais pourquoi les Voix ont demandé à Sarah de le tuer ). J’ai beaucoup apprécié la façon dont a été mise en scène son mental breakdown, peut être aussi car sa très longue phase négationniste commençait à m’énerver un petit peu, je le confesse, peut être était-elle un peu surjouée ? (Quand il débarque dans le restaurant et qu’il hurle à voix haute pensant que tout le monde fait partie du complot… mais qui fait ça ?).

 

Quoi qu’il en soit, son retour à la réalité fera pas mal avancer les choses, car cet ancien dirigeant d’une entreprise de la tech est bien décidé à employer tout ses neurones pour trouver un moyen de sortir d’ici, et entreprend la construction d’une grande antenne radio avec son nouveau copain Jim. J’ai bien aimé sa sensibilité qui s’est dévoilée petit à petit, son rapprochement inattendu avec d’autres personnages (notamment Jim, Viktor, la mère de Kenny, puis Tabitha, même si le twist final sur la nature de leur relation m’a laissé beaucoup plus sceptique) alors qu’il était parfaitement insupportable au début.

 

Et enfin, le dernier personnage qui m’a touché c’est Vitkor, le doyen du village, tellement traumatisé par toutes les horreurs qu’il a pu voir qu’il est devenu un homme enfant. Encore une fois le personnage est sublimé par son interprète Scott McCord. D’ailleurs je vous partage une vidéo où il se fait interviewer, c’est hallucinant de voir à quel point l’acteur est différent de son personnage, c’est un rocker canadien très confiant avec une élocution impeccable ! Ce n’est pas l’évolution de son personnage qui m’a étonné, car si il y en un qui fait du sur place malgré 30 épisodes, c’est lui : un homme déchiré à la recherche éternelle des fragments de son passé. Non ce qui m’a plu c’est le changement de point de vue, il est introduit comme le weirdo creepy, suffisamment ambiguë pour qu’on se sente en danger lorsqu’il fait copain copain avec le petit Ethan (“Utilise un vieux bâton pourri au lieu d’une vraie béquille pour ta jambe percée Ethan, tu vas voir ça va être génial”) puis progressivement on comprend qu’il n’est pas dangereux pour un sou, qu’il est resté enfant, ce qui explique sa relation d’amitié avec l’enfant, et qu’il est très probablement sur le spectre autistique. Ses retrouvailles avec son père un peu plus tard m’ont beaucoup émue par exemple.

La famille Matthews regardant vers le ciel, dans la série From
©From - MGM+

Personnages clichés et psychologie low-cost

Pour les autres personnages… Les choses se compliquent un peu. Prenez Donna, j’ai eu le sentiment que l’unique but de ce personnage est de mettre Boyd dans des dilemmes moraux. Vous ne me croyez pas ? Amusez-vous à compter le nombre invraisemblable de scènes où Boyd se retrouve dans la mierdas jusqu’au cou et où Donna débarque en mode “Okay, what’s going here ?” obligeant Boyd soit à mentir soit à se mettre dans une situation compliquée. Peut être que j’exagère un peu, mais je trouve que les ficelles scénaristiques et la façon d’utiliser ce personnage sont trop visibles.

Le prêtre j’aimais bien son côté ambiguë à lui aussi, ces paroles pleines de sagesse alors qu’il n’a pas les mains toutes propres, mais j’ai très vite été fatigué par son histoire de vengeur qui culpabilise : il sauve un enfant en tuant son père bourreau et s’enfuit avec un dessin de l’enfant et la bouteille de whisky du père alcoolique, il s’enfuit sur sa grosse moto en mode “Never turning back”, on dirait une blague tellement le cliché est lourdingue. C’est d’ailleurs un des points qui m’a dérangé dans cette série, plus précisément dans l’écriture des personnages, vouloir absolument les faire baigner dans le trauma porn.

Je peux vous citer le couple Jim et Tabitha, fallait que leur couple ne soit pas aussi parfait qu’il n’y paraît, il fallait forcément qu’il y ait un bébé mort dans l’histoire, et que la culpabilité écaille le verni de leur amour, notamment avec Jim que se renferme sur lui même et passe l’intégralité de la série à jouer au cow boy protecteur (sah quel plaisir quand le père de Viktor lui suggère d’écouter sa femme, juste une fois sa vie et ne pas la prendre pour une teubé fragile à protéger). Boyd a perdu sa femme, que dis-je, il a dû tuer sa femme qui dans une folie meurtrière s’était mise à tirer sur tout le monde au village (Ce flash back m’a dérangé, je peux comprendre que les gens deviennent littéralement fou et interrogent leur perception de la réalité dans un cauchemar pareil, mais de la à tirer sur tout le monde au fusil, c’est pas un peu radical ?) et il passera toute la série à essayer de sortir de sa culpabilité. “You can’t keep punishing you Boyd, she wouln’d have wanted that”, et bien ça par exemple c’est ce qu’on appelle un cliché éculé, vu, vu et revu des millions de fois, c’est chiant.

Kristi est l’un des rares personnages à ne pas être dans une boucle de culpabilité comme ça, du moins au début, car plus tard sa copine arrive au village aussi par le bus. Elle découvre l’horreur de l’endroit, se retrouve face à des monstres, voit ensuite leur victimes et comprend qu’elle aussi est désormais bloquée ici. Et quelle est sa réaction quand elle retrouve l’amour de sa vie ? “Tu m’as abandonné pendant 6 mois, je te déteste, et j’ai dû commencer à me droguer par ta faute”, mais WTF ? oh faites un effort les scénaristes là…Cependant Kristi n’a pas que des défauts, sa relation avec Kenny est intéressante. Ils trouvent un lien avec la littérature et se donnent leur avis mutuels sur leurs dernières lectures, j’ai apprécié cela car change de la facilité d’écriture qui consiste à se définir par les traumatismes passés invraisemblables. Autre exemple, la façon dont Boyd tente régulièrement de trouver une voie, parfois difficile, vers un équilibre et une harmonie du village, même si cela le fait passé par des non-dits, et parfois mêmes des sacrifices (par exemple il choisi de sacrifier Randall car le sauver signifierait mettre en danger les autres), et bien ça en dit tellement plus sur lui que ce que tous les flashback de ses traumas. En fait, ce qui ne marche pas avec ces traumas c’est que le dilemme est trop général, trop évident à résoudre, presque manichéen, et que n’importe qui d’autre aurait fait les mêmes choix, ce qui au final ne permet absolument pas de comprendre leur individualité. Encore moins de s’identifier à eux.

Les chtis à creepy village

Leur manque d’individualité provient d’un autre défaut d’écriture, j’ai nommé : la vénère attitude. C’est malheureusement un défaut très récurrent dans l’univers de séries (étrangement moins au cinéma) et j’en parlais dans ma critique du Problème à trois corps. Une grande majorité des personnages n’ont aucune, ou alors très peu d’empathie pour les autres, et réagissent avec impulsivité, voire par une agression physique. Et ce qui devient comique, c’est qu’un personnage peut avoir une réaction exagérément violente lors d’une situation ou face à quelqu’un, et dans une autre situation faire preuve d’un calme olympien, et même parfois ramener les autres personnages à la raison. C’est vraiment selon le mood du scénariste. Par exemple, il y a une scène où Ellis s’alcoolise lors d’une fête à Colony House et devient agressif envers les autres, à tel point que Donna doit  l’enfermer dans une pièce pour l’isoler. Et bien maintenant comparez cela à sa réaction quand sa future femme Fatima se fait enlever pas Elgin et qu’il interroge celui-ci pour savoir où elle est. Oh il l’accroche un peu, c’est vrai, mais très vite il se reprend, il s’adoucit, limite s’inquiète quand Boyd évoque l’idée de torturer Elgin pour avoir des réponses.

Autre exemple lorsque Kristin apprend le retour de Sarah au village. Pour donner le contexte, un peu plus tôt ce personnage s’était exilé car elle entendait une voix qui lui disait de tuer des gens. Résultat des courses = 3 morts dont son frère, et une tentative d’assassinat contre un enfant. Mettez vous à leur place, quand vous apprenez qu’une meurtrière qui à tranché la gorge de plusieurs personnes revient, que ressentez-vous, de la colère ou de la peur ? Un peu des deux j’imagine, mais en ce qui me concerne, je m’enferme à double tour chez moi et je ne ressors plus jusqu’à ce que cette psychopathe soit neutralisée ! Et bien Kristin est beaucoup plus téméraire, car lorsque Mireille lui apprend le retour de Sarah, elle part en mode “oh putain je vais aller lui péter la gueule ne cherchez pas à me retenir !”. Un poil sanguin ? peut être, mais c’est surtout une réaction violente qui n’a aucun sens. (Je fais ici une petite digression pour évoquer une scène qui m’a beaucoup amusé : Lors du deuxième épisode, lorsque Boyd, Kristin et Jim sont enfermés dans le Camping car avec Ethan cloué au sol par un morceau de fer qui lui empale la jambe, Jim décroche le talisman et le camping car se fait envahir la par les montres… et non ! Car ceci n’était qu’un rêve de Kristin ! ce qui m’a fait beaucoup rire car vu le nombre de réactions totalement illogiques que la série nous propose, cette situation aurait parfaitement pu avoir lieu).

A la rigueur pour le personnage de Randall, tout nous porte à penser que la vénère attitude fait partie de son ADN, et ça fait sens… ahah mais non je plaisante, il passe de complotiste, gros taré qui ligote Donna contre un arbre pour vérifier que les monstres existent vraiment, à un mec attachant au statut de “je suis une brute au grand cœur, qui a de l’écoute et même qui se sacrifie pour sauver des inconnus”. À quel moment un perso prêt à tuer des gens si facilement se met gravement en danger 10 épisodes plus tard uniquement car c’est pas gentil d’être méchant ? Ce côté hystérique des dialogues on le remarque particulièrement à la saison 3 avec des gens en colère pour un oui ou pour un non. Toujours les mêmes dialogues, avec la nouvelle flic, qui d’ailleurs vivra très bien le fait d’avoir tué un innocent par “erreur” puisqu’elle remettra l’autorité de  Boyd en cause dès l’épisode suivant. Et vas-y que ça crie, et que ça se coupe la parole, et puis ça s’énerve en deux secondes, ça se calme, et ça repart, etc. Pendant toute la série les personnages communiquent toujours comme ça, Jim et Tabitha, Kenny et Boyd, Donna et Boyd, Kristi est Boyd (oui Boyd est un véritable catalyseur des colères de tout le monde). Et d’ailleurs cela contribue encore une fois à cette impression que tous les personnages ont la même personnalité, puisqu’ils ont inlassablement les mêmes dialogues.

Le monstre humain aux cheveux roux, regardant ses futurs victimes depuis le haut d'un escalier, dans la série From
©From - MGM+
Jamie McGuire, et son sourire insane

Le bal des sims

Je vous avais prévu, ici ça tire à balles réelles ! Laissons de côté les personnages principaux pour le moment, et attardons nous un peu sur ce qui est pour moi l’une des choses les plus hilarantes de la série : la mise en scène des figurants. C’est une observation que j’ai faite lors des scènes de discours, quand les personnages principaux s’adressent à la foule, regardez attentivement à l’arrière-plan, les figurants sont littéralement des sims beugués. Il y a une scène en l’occurrence, où les habitants expriment leur inquiétude dans un brouhaha, elle se déroule dans la Colony House. On a tous les cas de figures du figurant mal dirigé dans un traveling assez cocasse : une ado qui parle à vieux, mais celui-ci n’est pas orienté vers elle donc cela nous donne l’impression que lui parle tout seul, on a un homme qui parle au mur, un autre en pleine conversation avec absolument personne.

Il y a une autre scène dans la saison 1 où Jade discute avec une autre personnage dans le “bar”, pourquoi j’ai oublié qui était son interlocuteur ? et bien peut-être à cause des figurants derrières qui attirent encore plus l’attention tellement leur conversation détente, posey, je vais bien tout va bien, sonne faux par rapport à la situation. Je m’imagine très bien le metteur en scène leur dire “alors là faites comme si vous étiez au bar”. Après, peut-être que ce metteur en scène était David Goodenough, on ne sait pas. L’autre chose qui m’a marqué avec les figurants, c’est que les morts sont soit oubliés en un clin d’œil, soit pleurés excessivement. Énorme malaise quand le personnage de Eric, qui a eu une ligne de dialogue, se suicide et qu’on passera tout l’épisode suivant sur le deuil des personnages importants. Petite théorie personnelle, tu peux faire pleurer tous tes personnages, si le spectateur s’en fout du mort parce qu’il y a eu aucun attachement émotionnel, et bien t’as juste tourné une scène de trop (dans ce cas, presque un épisode de trop !). Et leur donner une ligne de dialogue juste avant ça ne suffit pas, vous nous prenez pour qui ?! On peut aussi voir l’inverse, des personnages secondaires qui se font tuer soit par des monstres soit par d’autres habitants du village, et ne plus jamais en entendre parler comme si c’était parfaitement normal. On pouvait se le permettre du temps de Buffy the Vampire Slayer (où vous trouverez le lycée le plus dangereux du monde) mais ici, avec les codes des séries de l’ère du streaming, cela relève évidemment d’une faiblesse d’écriture.

Aussi, les figurants random de la série pop de façon très aléatoire, par leur nombre et aussi par le renouvellement des acteurs, ce qui donne une impression de réactualisation permanente et nous empêche d’avoir une vision globale de qui est dans le village. C’est particulièrement flagrant lors des scènes qui se déroulent à Colony House, où on aperçoit régulièrement des figurants partout, qui ne semblent rien faire de particulier par ailleurs, qui parfois même passent au premier plan, cela donne l’impression qu’il y a autant, voire plus de figurant à Colony House que dans tout le village…

Quelques réflexions intéressantes malgré tout

Bon les personnages, à quelques-uns près vous l’aurez compris, ne m’ont pas convaincu par leur crédibilité. Mais pour ne faire qu’une critique trop assassine, je vais évoquer maintenant quelques idées intéressantes que la série nous propose, car de son scénario chaotique, quelques lueurs d’espoir méritent qu’on s’y arrête deux minutes.

Pour commencer, j’ai beaucoup aimé l’idée de Colony House, qui pose la question de, comment faire société, et donc retrouver une part d’humanité et d’espoir dans ce village damné. Réinvestir un espace type de la de la traite d’esclave pour y mettre en place une utopie anarchiste, où chacun serait égaux et où toutes les affaires des habitants seraient mutualisées, on valide ! La propriété n’existant plus, cette micro société s’organise à base d’entraide et de confiance (à titre personnel, pardon d’être aigri encore une fois, mais comment faire confiance à une vingtaine d’autres personnes, parfois des nouveaux arrivants inconnus, dont n’importe qui pourrait ouvrir une des centaines de fenêtre au premier monstre venu sous forme humaine et demandant de l’aide ?!). Les nouveaux arrivants au village ont le choix entre vivre avec les habitants (dans la limite des maisons disponibles) ou se faire une petite place dans la Colony House, et en terme de lore, ce n’est pas inintéressant.

J’ai également apprécié la façon dont les échecs à répétition et l’aspect éternel recommencement posent des questions cruciales comme : Comment ne pas sombrer dans la folie ? Comment échapper à son destin, est-ce que tout est écrit d’avance ? Chaque piste de solutions explorées emmènent les villageois dans une situation encore pire qu’avant. A tel point que dans la saison 3, lorsque Jade réussit à résoudre l’énigme de l’arbre à bouteille (des notes de musiques, sérieusement ? On est dans un espace game ou quoi ?!) Jim se demande si cela vaut le coup car à chaque fois qu’ils ont eu une petite once d’espoir cela s’est vite transformé en une amère déception. A plusieurs moments, que ce soit par les entités vivant dans les cavernes ou certains personnages, est évoquée l’idée que le but ultime du village est de jouer avec eux, donner un peu d’espoir pour mieux le détruire juste après et pousser les habitants au bout de leurs forces mentales. Mêmes lors des hallucinations des personnages (essentiellement Boyd et Jade), qui sont par ailleurs BEAUCOUP trop nombreuses, les revenants apparaissent sous la forme de conseiller, mais leurs conseils sont claqués au sol, culpabilisant, à tel point qu’on peut douter de leur réelle bienveillance : pourraient-ils être un nouveau mauvais tour du village maudit ? A ce sujet nous n’avons à ce stade pas encore de réponse, et vu le nombre incalculable d’éléments magiques, cela ne me surprendrait pas que les scénaristes avancent de façon hasardeuse et ne savent pas eux même si les fantômes sont des good ou des bad guy.

L’espoir, puis peu à peu le désespoir, divise le village de manière intéressante : ceux qui se relèvent coûte que coûte et continuent à chercher une autre solution, et ceux qui peu peu se résignent, fatigués, voire pire, si habitués au village que la perspective de sortir à l’extérieur devient une peur (notamment pour Viktor, qui aura vécu presque toute sa vie au village); C’est un questionnement intéressant, dommage que la série n’explore pas plus loin cette piste, une division entre les gens du village entre ceux qui veulent sortir et ceux qui ne le veulent plus. Cela changerait de Boyd contre tout le reste du village, même si je trouve ça crédible que les gens remettent constamment en question l’autorité de leur chef, même quand il agit clairement pour leur bien, c’est un peu dans la nature humaine.

J’ai aussi bien aimé l’intrigue de Tabitha qui creuse un trou dans la maison des Matthews pour voir jusqu’où pouvait aller le fil téléphonique, même si je ne suis pas sûr qu’on saura un jour pourquoi la maison finit par s’écrouler totalement. J’ai bien aimé car pour une fois j’ai trouvé la réaction logique. C’est une des premières choses à laquelle j’aurais pensé si j’étais enfermé dans un lieu, c’est-à-dire chercher ses limites. Pour les gamers, n’avez vous jamais essayer de sortir de la map prévue par les développeurs, juste par curiosité ? Et c’est aussi la réaction de Jesse Eisenberg quand il se retrouve enfermé avec sa femme dans un quartier creepy dans Vivarium !

Et enfin, j’ai bien aimé que la série parvienne à jouer avec son concept, c’est-à-dire faire venir des nouveaux personnages dans le village pour expérimenter et voir les réactions différentes. Je m’étais dit que ça serait un vrai hors jeu si ils n’avaient pas exploré cette piste là. Alors quand le gros bus de 25 personnages arrive, et en plus au pire moment car la maison des Matthews venait de s’effondrer, je me suis dit ah super, les choses vont devenir intéressantes !
Et elles l’ont été, un petit peu. Quand votre bus fait une escale dans un village flippant avec des voitures cassées de partout, et que les habitants vous disent de vite rentrer car il y a des monstres qui vont venir, j’imagine que vous aussi vous seriez méfiants. Et en ce sens, leurs réactions au premier abord sceptique était assez crédible. Du moins dans un premier temps, ensuite… Les scénaristes ont arrêté de se prendre la tête avec le concept de la “LOGIQUE”. Les habitants ont réussi à convaincre les nouveaux venus de ne surtout pas quitter le restaurant où ils ont trouvé refuge, et ont pris le temps de leur expliquer la situation. Randall perd son sang froid mais est vite neutralisé, et les autres, pris de panique en entendant les cris des monstres et les hurlements de leur victime dehors, veulent sortir… dehors ? (WTF?!). Il aura fallu l’intervention de Donna et de son fusil à pompe pour convaincre les gens de ne pas aller dehors et se faire manger par les monstres. Ensuite, l’absurdité va encore plus loin : avant que tout le monde n’entre se réfugier dans le restaurant, un petit groupe de sceptiques a fait “NON on ne nous aura pas comme ça !” et ils ont détalé comme des lapins dans la nature. Quand la nuit tombe, certains vont demander de l’aide directement aux monstres avant de se faire sauvagement assassinés, parmi tous les moove les plus débiles, celui là est probablement top tier. Mais mon préféré, c’est le couple qui se réfugie dans une maison et qui se dit “ouai la c’est pas mal”, et puis hop ça ouvre la petite bouteille. Ce moment m’a fait penser à cette réplique des Dents de la mouche des Inconnus : “ écoute Jimmy, Bobbie et Frankie, sont morts, ok… mais c’est pas tous les jours qu’on peut s’offrir des vacances ! Alors tâchons d’en profiter 🙂 ”. Le couple va bien évidemment se faire massacrer dans les règles de l’art.

Vikot, une petit enfant regardant une rue jonchée de cadavre, dans la série From
©From - MGM+

Meubler, à en la perdre la raison

Malheureusement, ces bonnes idées (parfois -souvent – mal amenées) sont ralenties, voire oblitérées par des tartines de remplissage. Je n’avais pas ressenti cela depuis la saison 7 de Walking Dead. On peut voir clairement que certaines intrigues secondaires, des scènes ou des dialogues n’ont en fait qu’un seul but : ralentir “la révélation finale” (Et quand on voit la gueule des révélations, la vache… on comprend mieux). Et des exemples j’en ai en pagaille : La balle que Boyd se prend dans le bras, la jambe cassée de Kristi, l’intrigue de Marielle et la drogue, etc. Mais je vous rassure il n’y a pas que des scènes qui n’apportent aucune nouvelle information, il y en aussi d’autres qui apportent sans jamais se lasser la même information : Le mystérieux symbole que Jade aperçoit environ 20 fois, les enfants fantômes que Tabitha voit 3 fois par épisodes, où est la subtilité la dedans ? Je repense également à l’avant dernier épisode de la saison 3 où il y a un long flashback qui meuble de fou. On y revoit l’anniversaire d’arrivée de Fatima dans le village. Bon, j’imagine que l’utilité est de montrer la tristesse de Donna qui se rappelle du bonheur passée, en miroir de l’état actuel de Fatima, mais ce flashback dure beaucoup trop longtemps, ça donne rendu étrange car on avait déjà vu la scène dans la saison 1. D’ailleurs tous les binômes qui recherchent Fatima ont des discussions bulleshit pour meubler, il n’y a eu aucune révélation malgré le nom de l’épisode qui s’appelle Révélation (encore une fois une grande marque de subtilité !). On y apprend par exemple comment est morte la mère de Viktor… Alors qu’on le savait déjà, et ce qui est drôle c’est que la série ménage son effet comme si c’était une révélation de zinzin. Je vous arrête tout de suite : ce n’est pas comme les séries qui préparent un ralentissement de rythme avant le climax final (comme pour Game of Thrones, Severance, Breaking Bad, etc) non la c’était du meublage absolu.

Retarder la révélation, frustrer le spectateur, rendre la tension irrésistible, mais pour quel final ?! Je reconnais volontiers que l’intrigue de l’antenne radio montée en haut de Colony House était cool. Il y avait une vraie tension, la fin de la saison 1 laissait imaginer qu’une petite dinguerie nous attendait à la clef, et le chaud froid, lorsqu’une voix répond à Jim que sa femme ne devrait pas creuser le trou, est savoureux. En revanche, celle du sang contaminé de Boyd, qui finalement se transforme en plaie d’Égypte avec des grillons, des grillons qui plongent trois protagonistes dans un coma hallucinatoire, avec des visions de l’enfer, et où Boyd finalement comprends qu’il fallait briser la boite à musique pour casser la malédiction, la désolé ça se passe de commentaire. Ça me rappelle ce qu’il y avait de pire dans Lost. Idem pour la révélation de Jade et Tabitha où on découvre qu’ils sont en fait la réincarnation de Christopher et Miranda… mais au secours en fait, je suis le seul à ne pas trouver ça stylé du tout ? Jade qui comprend on ne sait comment (ah oui c’est vrai c’est un génie) que les mots dans les bouteilles accrochées à l’arbre sont en réalité les notes d’une composition musicale, et Tabitha avec son collier qu’elle retrouve dans la voiture du mari de Miranda. Et nous, pauvres spectateurs, on était censé recoller les morceaux avec eux en mode “mais oui mais c’est bien sûr, la réponse était sous nos yeux depuis le début !”. Lorsque Jade joue l’air qu’il a réussi à recomposer, cette chanson invoque les enfants fantômes, et ceux-ci l’aident Tabitha à comprendre qu’elle était Miranda… Fin du escape game, c’était nul, merci au revoir.

Je suis dur, mais le pitch de base était vraiment cool, ajouter tous ces éléments de magie finit par donner l’impression que tout peut arriver. Quand je vois d’excellente séries comme Severance, qui arrivent à poser une règle simple, et jouer le plus possible avec pour surprendre le spectateur, ça fonctionne incroyablement bien. Mais ici la règle de base (ne plus pouvoir quitter le village + attaque des monstres la nuit) devient très vite secondaire, tellement il y a une surenchère de magie et de mystères. Attention je ne dis pas que c’est forcément mal de changer la règle, cela peut provoquer de la surprise. Pour le coup il y a une scène qui fonctionne très bien, c’est celle où Boyd, Donna, Jim et Randall se retrouvent enfermés dans le camping car (encore) et les monstres se mettent à changer de comportement. On avait une habitude, elle est brusquée, et hop le danger devient réel, pas besoin de rajouter 3 000 intrigues qui vont toujours plus loin dans la magie.

Arnaque, incohérence et botanique

Le problème de vouloir meubler la pièce pour absolument retarder la révélation de fin saison a un effet secondaire absolument délicieux : montrer à quel point les scénaristes se torchent le c** avec la cohérence et la crédibilité du storytelling. Prenons deux exemples, l’arrivée des 25 nouveaux par le bus permet d’ajouter un danger supplémentaire pour nos survivalistes : la pénurie alimentaire. En soit, ça aurait pu être intéressant de pousser les gens jusqu’au bout et voir qui parviendrait à garder son humanité. Mais pensez-vous que la série aurait l’intelligence d’amener ça correctement ? Que neni. Alors déjà pour une raison très simple, parmi les 25 nouveaux arrivants, il y en a une petite dizaine qui sont morts comme des débiles en allant dire bonjour aux monstres, et de plus, si on tient compte de tous les morts depuis le début de la série, et bah le problème est largement réglé… J’en vois dans le fond qui ne sont pas convaincu, alors c’est vrai, la série nous donne sa petite excuse à base de “oui toutes nos récoltes ont été détruites à cause de l’averse à la fin de la saison 1 (habile bill), mais si vous voulez un dernier argument sur cette intrigue qui n’aura servi à rien d’autre que gagner du temps, regardez simplement la façon dont elle a été résolue : En allant chercher Tabitha qui a disparu dans la forêt, Jim se rappelle subitement qu’il a deux enfants et fait marche arrière. Et la, vla ti pas sur quoi il tombe ? des totems du Projet Blair Witch et des Menhirs rouges de la série tout aussi qualitative Dolmen ? Oui certes, on avait pas assez de magie et de mystère donc ça s’est super, mais surtout un lac ceinturé de milliers de choux et de divers fruits légumes comme s’il venait de débarquer dans le potager à mémé.

meme venant de la cité de la peur : un public qui scande OH BAH ÇA ÇA TOMBE BIEN ALORS

Intrigue du manque de nourriture finito, ça aura duré 3 épisodes, désormais ils vivent dans l’abondance. Deuxième exemple non moins juteux, quand les monstres libèrent les animaux pour forcer les habitants du village la nuit et les récupérer. Je sais pas qui est le plus c** entre les monstres qui après des décennies de terreur n’ont d’idée de faire ça que maintenant, ou bien les villageois qui n’ont jamais eu l’idée de faire rentrer les bêtes dans un établi protégé avec un talisman ? J’y réfléchis encore, je vous tiens informé.
Et le pire c’est que ça marche, les animaux ont survécu (sauf une vache, en vrai cette mort était horrible, elle n’avait rien demandé la meumeuh), et les habitants ont été suffisamment stupides pour sortir les chercher. Je veux dire, les monstres veulent les torturer psychologiquement ? Tuer toutes leurs bêtes alors qu’ils étaient en train de traverser une crise de famine ça aurait pu être un coup terrible, mais bon, ils ne sont pas si méchants que ça il faut croire.

Mise en place d'un lore, point fort de la série

Quand je vois comment je dézingue cette série, j’ai l’impression de m’acharner sur un adversaire déjà au sol, alors je vais ajouter un peu de sucre, avec mon sel habituel (ceux qui ont la réf je vous fait des gros bisous).
Une chose que la série réussit plutôt bien est la construction de son lore : il y a parfois un souci du détail qui donne de la profondeur, et du style à cet univers ! Nous allons trouver par exemple des voitures abandonnées un peu partout dans le village, des voitures d’époques différentes qui laisse suggérer une anomalie inquiétante, l’ardoise devant le commissariat où Boyd compte les jours sans “incidents”, même si elle sera vite oubliée car il n’aura pas un épisode sans incidents.

Les villageois ont également prévu des menottes pour empêcher que les nouveaux arrivants qui ne croient pas à cette histoire de monstre puissent être tentés d’ouvrir les fenêtres. Un détail que j’ai particulièrement apprécié car il y en aurait beaucoup à dire d’un point de vue philosophique, c’est l’hôtel funéraire du père de Kenny, probablement monté par lui et sa mère, dans la valise du défunt. Il y a un glissement d’usage qui est très cool : un objet utilitaire qui devient objet-mémoire. On n’est pas juste dans le bricolage émotionnel, on est dans une tentative, aussi maladroite qu’humaine, de résister à l’effacement. Et ils le font avec ce qu’ils ont sous la main : une simple valise, seule réelle possession des habitants du village (enfin, sauf à Colony House), j’ai trouvé cela assez poétique. On retrouve cette question de préserver sa part d’humanité à la fin de la saison 3 quand Boyd commence à torturer Elgin, on sent qu’il est très mal à l’aise d’en arriver là, poussé par l’urgence de la situation. Et cela pose la question : le jeu en vaut-il la chandelle ? Faut-il passer par un acte de cruauté absolue, même pour une noble cause ? Le dilemme était intéressant.

Comme d’habitude lorsque la série réussit hasardeusement à rendre quelque chose bien, elle se sabote immédiatement derrière, ici en faisant intervenir le personnage que Sarah. Celle-ci trouvant la torture de Boyd trop gentillette, s’est dit qu’elle allait, de sa propre initiative et en loucedé, prendre la relève en mutilant le visage d’Eigin et en lui crevant les yeux. Déjà ça m’a soulé que la série nous soumette une image d’une telle violence, aussi furtive soit-elle (j’ai deux trigger warning : tout ce qui touche aux yeux et les piqûres !), mais analysons la cohérence de la proposition : Le personnage qui a commis des crimes dans la saison 1 et qui passera toute la série à faire son mea culpa, s’est dit : “tiens je vais remettre le couvert une fois de plus, je pense qu’il y a moyen que les gens arrêtent de penser que je suis une psychopathe car j’aurais permis de retrouver Fatima plus vite”. Ça n’a aucun sens…

Mais revenons à nos moutons. Au-delà du lore, plusieurs scènes, et aussi quelques dialogues marquent des gros points par leur justesse. Je pense notamment à la réaction de Viktor lorsqu’il apprend que son père est arrivé au village, celui-ci prend peur et s’enfuit de la maison car il pense à la réaction qu’aurait son père en ne découvrant pas son fiston de 12 ans comme la dernière fois qu’ils se sont vus, mais un homme qui a vieilli, meurtrit, traumatisé et mentalement diminué par 40 ans d’enfermement dans cet enfer. Cette réaction est parfaitement logique et j’aurais sûrement eu la même à sa place. J’avoue avoir été très touché par ses retrouvailles avec son père, dans la neige, et ce plan large qui laisse voir toute la distance entre les deux, puis l’effondrement de Viktor dans les bras de son père. Leur relation était intéressante également, j’ai particulièrement apprécié la bienveillance de son père face à la bizarrerie de son fils. Celui-ci a même souhaité l’accompagner dans sa quête pour retrouver son souvenir de la Marionnette qui parlait tout seul, la scène où ils traversent la grotte remplie de monstre fonctionnait bien.

Jade a également des bonnes réparties, fidèle à son personnage bourru mais qui parfois se révèle d’une grande empathie. Parfois c’est l’inverse, alors qu’on pouvait attendre de lui une implication émotionnelle dans certaines intrigues (par exemple, le retour de Tabitha au village), celui-ci s’en détache, ne participe pas à la réunion pour débattre de son action pensant être plus utile ailleurs (“Quand il y a plus de trois personnes à une réunion, elle ne sert plus à rien”, belle réplique !)

Un dernier point positif qui retient mon attention, est la musique, que j’ai trouvé plutôt cool à certains moments, notamment avec l’intrigue du bébé de Fatima, il y avait comme un son de synthé dissonant, qui rendait l’atmosphère bien creepy. Les scènes où on voit Elgin avec femme fantôme et où il enferme Fatima dans un sous-sol, on retrouve les mêmes note avec aussi des tambours et des sons métalliques, cela faisait un petit écho à l’univers sonore de Silent hill ! En revanche BO est d’un ennui mortel, je pense qu’ils ont hésité entre une ambiance à la Walking Dead et le côté country Folk de True Detective, mais le rendu est très moyen.

Deux enfants à l'aspect fantomatique se donnant la main, derrière il y a de la verdure et une voiture abandonnée.
©From - MGM+

J’arrive à la fin de cette critique très détaillée, pour ceux qui ont eu la patience de me lire jusqu’au bout et qui sont encore là (merci à vous, déjà), j’aimerais terminer sur une comparaison avec Lost dont je parlais au début. Nous avons pu voir qu’elle reprend de nombreux topos (personnages au lourd passé, emprisonnés dans un endroit dont ils cherchent à résoudre les nombreux mystères), mais elle en reprend aussi les très nombreuses erreurs. Je pense qu’elles sont plus visibles dans From à cause du format, Lost était prévue pour passer à la télé (Qui se souvient de la trilogie du samedi ?!), on avait donc des saisons qui s’étendent sur 25 épisodes, et l’intrigue avançait beaucoup plus lentement. On avait en l’occurrence des épisodes entiers qui servaient à approfondir la psychologie des personnages, par des flash back ou des intrigues secondaires. Quoi qu’il en soit, ce format télé, avec son rythme idoine, permettait au spectateur de louper quelques épisodes puis de revenir après sans être trop largué, ce qui donnait beaucoup de liberté dans la gestion du rythme. L’ère du streaming a changé les pratiques de visionnage des séries, fini le temps des 2 épisodes par semaine sur plusieurs années, place au binge watching !

Et c’est précisément sur son rythme où From se casse la figure. Ici les intrigues s’enchaînent et se croisent continuellement, le rythme ne varie jamais, car une intrigue en chevauche immédiatement une autre, et ainsi de suite. Je me suis posé la question de la temporalité lors de mon visionnage, car avec ce rythme effréné on peut en avoir une vision précise : il semblerait que pour une grande partie de la série, un épisode corresponde à une journée, parfois même deux (et parfois même trois !) J’ai noté une seule ellipse entre la fin de la saison 2 et le début de la saison 3. Vous l’aurez compris, c’est une une série qui dépote, vous avez intérêt à vous accrocher ! Cela dit, le fait qu’on puisse avoir une conception précise de la temporalité révèle des incohérences rigolotes : j’ignore combien de temps s’est déroulé entre le tournage de la saison 1 et la saison 2, mais l’intrigue du dernier épisode reprend dès le premier épisode de la saison 2, on a donc Jade qui s’est retrouvé avec des cheveux long et une grosse barbe en un seul après midi. Entre la fin de la saison 2 et le début de la saison 3, il est censé se dérouler deux semaines, mais cette même barbe de Jade (décidément !) commence à blanchir et le petit Ethan fait une crise de croissance aiguë. Rien de très grave, je vous l’accorde, en revanche le rythme qui ne fléchit jamais pose un réel problème, à mon humble avis.

On ne peut pas tromper 1000 fois 1000 personnes

From ressemble aussi à Lost dans sa manière d’empiler les mystères par milliers sans se soucier à aucun moment de la cohérence dans tout ça. On sent que les scénaristes ont eu carte blanche pour mettre TOUS les mystères horrifiques et clichés pour vous procurer un maximum de frissons, car c’est bien connu, plus il y a des trucs qui font peur, plus la série va être intense, n’est ce pas ? Voyons voir un peu tout ce qu’on a : Une voix qui parle à certains personnages en leur demandant de commettre des crimes, des chiens flippant qui pop dans la forêt, des jukebox qui s’allument tout seuls, pléthore de dessins d’enfant qui font peur, une boîte à musique qui jette une malédiction, des symboles cryptiques, un pantin maléfique, des milliers d’hallucinations (sur ce point, ce qui est vraiment terrifiant c’est que série fait toujours une mise en scène léchée, comme si la peur serait toujours la, même quand c’est 23ème fois qu’on voit la même hallucination…). On a un phare magique en pleine forêt, un enfant blanc fantomatique qui fait des apparitions mystérieuses, des téléporteurs magiques, des arbres qui contient des bouteilles énigmatiques, des araignées qui ont colonisé une partie de la forêt, des statuettes à la blair Witch, des rocher rouges en cercles, un vieux mystique attaché dans un donjon, une tempête magique, des téléphones qui fonctionnent comme par magie, des grottes de monstres, une invasion de criquet, des vers sous la peau, un bébé démoniaque qui oblige Fatima à manger des légumes pourris, un appareil photo qui prend des photos creepy tout seul, un fantôme en Kimono à la The Grudge, des enfants fantômes et comme pour finir, le clou du spectacle, la cerise sur le gâteau : des voyages dans le temps et des réincarnations. Tout cela en plus du concept de base qui est un village dont on ne peut plus sortir avec des monstres qui rodent la nuit…

Une série qui se disperse ? Je ne vois pas du tout ce qui vous fait penser ça…J’ai pu en parler un petit peu déjà, mais ce qui donne ce sentiment de grosse fatigue lors du visionnage, c’est de voir les personnages continuer éternellement à tourner en rond, rien n’avance jamais vraiment, ni les intrigues, ni la psychologie des personnages. Jim et Tabitha qui se reprochent pendant 3 saisons la mort de leur enfant, la quête personnelle de Tabitha l’a fait inlassablement revenir au point de départ, Viktor passe également toute la série à tenter de se souvenir de son passée, Jade ne sortira plus de son obsession pour les “symboles”, Donna restera la même du début à la fin et ce malgré toutes les épreuves qu’elle va traverser. Malgré la perte de ses parents, Kenny ne changera pas beaucoup non plus. Peut-être avons-nous Ellis qui se responsabilise un petit peu au fur et à mesure des saisons ? Je me disais que c’est une série quasiment impossible à spoiler (mise à part sur la mort des personnages), tant les intrigues font sur surplace et ne vont nulle part.

Pour conclure

Je n’irais pas plus loin dans la série From, car malgré un bon potentiel de base, une bonne intrigue, des acteurs excellents et un décor qui ouvre beaucoup de possibilités, la qualité d’écriture laisse trop à désirer pour que je puisse me laisser aller et faire confiance aux scénaristes. Peut être que la suite sera bien ? Avec un heureux hasard tout est possible, mais je ne pourrais jamais croire que cela sera la conséquence d’une bonne écriture. La surenchère d’éléments creepy, la mauvaise qualité de la mise en scène, et les innombrables incohérences ruinent toute tentative de tension ou de cohérence narrative. Dès le début, quand on aperçoit un monstre sous forme de grand-mère tuer toute une famille, alors que la série a commencé depuis 8 minutes, tu sais que la subtilité ne sera pas au RDV. Le climax final avec la Julie du futur, se passe de commentaire. Cette scène me fait beaucoup pensé à Dark, et notamment la fin de la saison 2, mais ici comme pour Lost, la copie est imparfaite. Le scénario de Dark était incroyablement bien ficelé et cohérent, dans le From, introduire le voyage dans le temps à la fin de 3éme saison, c’est se foutre de la gueule du monde. On dirait une énième folie scénaristique, sans aucune préparation, ni logique interne. Ça ne surprend plus, ça fatigue. C’est la conséquence d’une écriture qui cherche à choquer plutôt qu’à construire un vrai truc, à empiler les twists au lieu de raconter quelque chose. D’ailleurs, le moment où on comprend que c’était Julie, qui en remontant le temps, avait balancé la corde à Boyd lors ce qu’il était bloqué dans un puit, la scène ne fonctionne absolument pas car comme tout est magique, une corde qui tombe du ciel ne me surprend pas, à aucun moment je me suis posé la question : “mais d’où vient cette corde ?”. Mon pronostic pour la suite ? Je pense qu’il y aura une lutte manichéenne entre le bien et le mal, symbolisés par le petit garçon en blanc et l’homme démoniaque avec la veste jaune, exactement comme Lost l’avait fait. J’ai un peu détruit cette série, je m’ excuse auprès de ceux qui l’ont apprécié, j’ai essayé d’argumenter le plus possible. Juste après la série nous avons enchaîné avec Severance, et je dois dire que la comparaison à été fatale pour From : une intrigue simple, un concept tout aussi simple avec lequel les scénaristes jouent sans digresser, des personnages en nombres limités, un rythme très bien dosé, une réalisation impeccable.. Bref, c’est l’anti From !

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