★★★★☆
LATE NIGHT WITH THE DEVIL
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CAMERON & COLIN CAIRNES
RÉSUMÉ :
INFOS TECHNIQUES
PRODUCTION
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POUR ALLER PLUS LOIN
Une fois n’est pas coûtume, je vous partage la vidéo de Lucas Blue qui a aussi fait une analyse de la symbolqiue dans Last Night With The Devil.

Par Kevin Kozh n’air
Note globale : 4/5
Un talk show en guise de film d’horreur ? Je trouve le concept absolument génial, il n’y a rien de plus malaisant et terrifiant que ces émissions TV où le naturel et la spontanéité ont disparu des radars. Le présentateur aux dents blanches étincelantes balance des punchlines nulles pour un public faussement surexcité, forcé d’applaudir et à rire. Toute l’atmosphère crispée et bon délire peut me plonger dans une crise d’angoisse avec une rapidité assez impressionnante. Il doit me rester quelques traumatismes de Christopher McDonald dans Requiem For a Dream quelque part…
J’ai beaucoup aimé la façon dont le film parvient à reconstituer le cringe absolu de ce genre d’émission et l’inscrire dans une dimension horrifique.
Spoiler à balles réelles dans 3, 2, 1…

L’ère des émissions spooky
Jack Delroy, présentateur autrefois mythique de l’émission éponyme “Night Owls with Jack Delroy” , tente le tout pour le tout lors d’une “spéciale halloween” pour relancer son émission qui a pris du plomb dans l’aile. Un Last Ride pour un homme qui a connu une ascension fulgurante dans le paysage audiovisuel américain, grâce à son énergie débordante et un capital sympathie au plus haut, notamment lorsque son public découvre que derrière le masque de la bonne humeur se trouve un cœur brisé : sa femme a tragiquement été emportée par la maladie. Pour son retour en grandes pompes (funèbres), Delroy réunit son équipe de techniciens, de communicants, de fans de la première heure, d’invités étranges qui garantiront leur lot de frissons… et de surprises !
Le film ressemble beaucoup à Ghostwatch, un faux documentaire de la BBC sur la recherche du paranormal qui soudain et sans le vouloir, bascule réellement dans l’effroi inexplicable. Je trouve que la forme du found-footage s’adapte bien aux émissions TV car celles-ci sont déjà un objet filmé. Cela permet d’attirer l’attention de manière réaliste : « que s’est-il passé de si grave durant cette dernière émission ?! »
C’est d’autant plus crédible que les émissions TV un peu racoleuses sur le paranormal avec des chasseurs de fantômes pullulaient et trouvaient un large public en quête de sensation forte autrefois (je vous recommande l’émission Mystères, celle qui a révélé la maison qui saigne de Saint-Quentin ! Elle doit être encore plus flippante aujourd’hui avec le grain vintage).
Petit bémol dans la gestion du found footage dans Late Night with the Devil : le film suit les allées et venues de Delroy entre le plateau et les coulisses après chaque intervention. Je suppose que l’idée était de montrer la peur qui monte progressivement, au fur et à mesure que les événements qu’il pensait maîtriser commencent à lui échapper, tout en faisant remonter des souvenirs liés à sa femme. Mais ce choix de mise en scène donne parfois un effet plan “séquence” qui tranche avec l’aspect « rush retrouvé », et ça atténue un peu l’immersion. Ce n’est pas un échec total, loin de là, mais ça crée une dissonance qui, à mon sens, affaiblit légèrement la tension.
Des décors et des acteurs aux petits oignons
En revanche, j’ai beaucoup aimé la reconstitution des décors de TV show des années 70s, avec les orchestres, la décoration rougeante et psychédélique, les costumes kitschissimes… Cameron Cairnes, le réalisateur a eu l’intelligence de brouiller les pistes en jouant sur les effets de cassettes VHS, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que le malaise du grandit sur le plateau. Lors de la scène finale, Jack Delroy fuit derrière les rideaux car son plateau est devenu un brasier géant, sous un grain VHS glitché insoutenable, puis soudain, le voila non pas dans les backstages, mais dans la chambre d’hôpital de sa femme. L’image revient en 4K et nous fait basculer dans un autre monde. Cette impression que la réalité se délite, un peu à l’image de La chambre 1404, fonctionne terriblement bien sur moi.

L’autre élément remarquable du film, ce sont les acteurs, à commencer par David Dastmalchian que je n’avais jamais vu dans un premier rôle, tout simplement bluffant dans celui du présentateur qui tente jusqu’au bout de sauver les apparences tout en étant absolument mort à l’intérieur. Je trouve aussi qu’il a un visage particulier, à la fois mélancolique et un peu effrayant, comme un clown triste, et qui colle parfaitement à l’ambiance du film.
Très heureux et surpris de retrouver Ian Bliss, mes 7560 000 visionnages de Matrix sont remontés d’un coup. Il est génial dans ce rôle du psychiatre septique qui cherche l’explication rationnelle partout, l’élément parfait pour faire monter le débat comme une mayonnaise pour un public gourmand qui en redemande ! Cependant il meurt un peu trop rapidement à mon goût. Enfin, sa mort est longue et agonisante, mais il passe trop rapidement du refus de l’acceptation à l’agonie, sans vraiment passer par la peur. Un des topos que j’aime beaucoup dans les films d’horreurs est celui où Jean-Michel on-ne-me-la-fait-pas-a-moi se trouve dans un état de sidération et de peur absolue, en ne pouvant expliquer rationnellement ce qui se passe. En ce sens, je vous recommande une fois de plus si vous ne l’avez pas encore vu, La chambre 1404, avec l’excellent John Cusack.
Pour conclure
En recollant les morceaux VSH d’une émission qui prend une tournure cauchemardesque, on prend conscience que Jack Delroy avait fait un pacte avec le diable. En lui sacrifiant sa femme, il obtient en échange le succès qu’il désire tant (pour un temps limité 😈). C’est une allégorie horrifique qui fonctionne à merveille car elle donne au film une tournure critique par rapport au Talks-Show et la culture du bad buzz, de la polémique, et du racolage pour accrocher un public. La révélation finale donne tout son sens à l’affiche du film, qui d’ailleurs est parfaite et a été l’élément qui a attiré ma curiosité. La montée du paranormal se fait de façon progressive, avant d’atteindre un climax brutal qui ne laissera personne en échapper.
Pas le film le plus flippant du monde, mais très efficace quand même, à regarder un samedi soir à l’heure des Lates Show, pour plus d’immersion !