L'Antre de la folie

DEMAIN LES CHIENS
-
CLIFFORD D. SIMAK

RÉSUMÉ :

« Qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce qu’une cité ? Qu’est-ce que la guerre ? Voilà les questions que les chiens se posent, le soir à la veillée, après avoir écouté des contes fascinants mettant en scène ces mots magiques mais devenus incompréhensibles. L’homme fut-il réellement le compagnon du chien avant que celui-ci accède à l’intelligence ? Disparut-il un jour pour une autre planète en lui abandonnant la Terre ? « Non, répondent les chiens savants, l’homme ne fut qu’un mythe créé par des conteurs habiles pour expliquer le mystère de notre origine. » »

INFOS TECHNIQUES

Titre français : Demain les chiens
Titre original : City
Auteur : Clifford D. Simak
Date de première publication : 1952 (publication en volume)
Langue originale : Anglais (English)
Genre : Science-fiction, Anticipation, Philosophie, Fable post-humaine
Nombre de pages : Environ 350 pages (selon les éditions)
Éditeur original : Gnome Press (États-Unis)
Éditeur français : Denoël (collection « Présence du futur », 1956)
Domaine public : Non (encore sous droits d’auteur)
Profil Goodreads : City sur Goodreads

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Voici les récits que racontent les Chiens quand le feu brûle clair dans l’âtre et que le vent souffle du nord… [lire la suite]

Par Kevin Kozh n’air

19 ocotbre 2025

Vous êtes-vous déjà poser la question, qu’adviendrait-il à l’a Terre si/lorsque la civilisation humaine disparait un jour ?
Et bien si ce n’est pas encore le cas, faisons le semble ajourd’hui avec l’une des premières lectures SF, qui m’avait fait une forte impression :
Demain les chiens, de Clifford D. Simak ! Le titre original, City, prend tout son sens car ce roman d’anticipation imagine la lente chute de la civilisation humaine, en suivant la famille des Webster que l’on retrouvera sur plusieurs générations, pour laisser peu à peu venir une civilisation de chiens. Un pitch qui nous rappellera bien sur La planète des singes de Pierre Boulle, et qui se verra récompensé du Fantasy Award en 1953 !

En parfait mélange de hard et soft SF, c’est un roman vous rend curieux. Il vous donnera matière à réflexion si vous êtes, comme moi, passionnés par toutes les tentatives de mieux comprendre nos fonctionnements et à quoi pourrait ressembler le monde de demain. Je vais forcément spoiler quelques éléments de l’intrigue, mais je vous recommande tout de même la lecture car l’intérêt du livre repose plus sur ses idées que sur ses retournements de situations, quoi qu’il y a des moments vraiment surprenants !

La ville, ce désert de béton où j’erre sans raison... (Mozinor)

Demain les chiens est composé de 6 nouvelles formant une histoire continue qui retrace le déclin progressif des villes, puis celui de l’humanité, jusqu’à l’ascension des chiens, puis celle des fourmis. Le point de vue est assez original, car chaque nouvelle est préfacée par un chien historien qui nous donne à nous, lecteurs chiens, des éléments de contexte pour comprendre la civilisation humaine, car de leur point de vue de chiens, certaines choses peuvent paraître bizarre, voire absurde (les guerres, la promiscuité en sont des exemples de leur étonnement).
Le point de vue adopté nous rappelle un peu les Lettres Persanes de Montesquieu, où deux persans voyagent en Europe et s’étonnent des observations qu’ils peuvent faire. Dans Demain les chiens, le regard extérieur et canin est l’occasion d’observer les mœurs humaines à la loupe.

« Rover déclare, dans son étude de la légende, être persuadé que les contes sont beaucoup plus anciens qu’on ne le croit d’ordinaire : il affirme en effet que des concepts comme ceux de guerre et de meurtre n’ont pas pu venir de notre culture actuelle mais qu’ils doivent remonter à une ère de sauvagerie dont on ne possède plus de traces historiques. Tige, qui est presque le seul à croire que ces contes ont un fondement historique et que la race de l’Homme a bien existé aux premiers jours qu’a connus le Chien, prétend que ce premier conte relate l’histoire véritable de l’effondrement de la culture de l’Homme. »

©illustration de Michael Welan

En essayant de retracer cette mythologie humaine, les chiens tentent de découvrir leurs origines. Dans la première nouvelle, où les chiens ayant la capacité de parler ne sont pas encore présents, nous découvrons la vie quotidienne des humains à travers d’une commune en proie à un phénomène étrange : les gens se barrent !  Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ambiance est un peu bizarre, ceux qui restent sont désœuvrés, la municipalité n’a plus d’argent et son administration voit son pouvoir diminuer de jours en jours, incapable d’appliquer une quelconque politique et de rendre la commune attractive à nouveau. Des maisons, voire des quartiers entiers sont à l’abandon, les routes ne sont plus entretenues,  et même la production alimentaire est transformée, l’agriculture n’est plus nécessaire grâce à l’hydroponie, et les fermes traditionnelles deviennent des espaces anachroniques et aussi obsolète que les cabines téléphoniques le sont pour nous.

Mais qu’est ce qui peut bien être la cause de cette déliquescence de la société ? Et bien, toute l’analyse de Simak repose sur un angle précis : les conséquences psycho-sociales des grands bonds technologiques. Rappelons que le livre a été écrit en 1952, on est encore loin de l’arrivée d’internet et la mise en réseaux mondiale des relations humaines. La technologie analysée dans Demain les chiens est surtout celle des moyens de transports qui arrive des ménages et qui donne des libertés de déplacement et une indépendance encore jamais vues à cette époque. Plus besoin des ressources de la ville, l’homme est désormais libre de choisir où et comment il veut vivre. Certains achètent des terrains bon marché à la campagne, construise des maisons de plus en plus isolées les unes des autres. Plus tard, les avancées technologiques permettent la terraformation de Mars, et l’exploration des autres planètes du système solaire, ce qui annoncera une nouvelle vague de départ En bref, l’humanité se disperse. Quelques-uns seulement restent dans leurs anciennes demeures, perpétuant la tradition familiale, mais jusqu’à quand ?

Le jour où tout a basculé

Les conséquences sur le long terme apparaissent dès la deuxième nouvelle, où l’on suit un homme dont la mission est justement de recenser les citoyens encore présents, et devant aller toujours plus loin dans les campagnes pour les retrouver. C’est là qu’il rencontre le premier chien qui parle, génétiquement modifié par le doyen de la famille webster, reconnu comme l’un des meilleurs médecins au monde. Dans son domaine isolé, on rencontre également le robot Jenkins, son assistant, chargé d’éduquer le chien, et qui sera le fil rouge de toutes les nouvelles, du début du déclin jusqu’aux dernières générations d’humain.

Le recenseur rencontre également un homme, apparemment mutant, qui mène d’étranges expériences sur des fourmis afin de les libérer du blocage évolutif de leur ADN, inchangé depuis des millions d’années. Notez bien cette information car elle aura son importance plus tard ! Mais revenons à notre médecin, car il va se retrouver dans un dilemme qui sera la pierre angulaire de la thèse principale du roman. Un véhicule spatial se pose dans le jardin du docteur Bruce Webster, ce qui est de base quelque chose d’inhabituel pour lui qui s’est volontairement isolé, comme tout le monde, et particulièrement depuis que son fils a quitté le cocon familiale pour faire ses études sur Mars. Un jour, il reçoit un appel en visio (on ne peut pas se rendre compte, mais c’était une anticipation visionnaire à l’époque, bien joué Simak ! ) où on lui apprend que l’un de ses anciens amis martiens est très mal en point, et qu’il doit être opéré du cerveau en toute urgence. Il est le seul à pouvoir maîtriser une opération aussi technique, et comme si cela ne suffisait pas, son ami était sur le point de mettre en place une philosophie absolument révolutionnaire qui changerait changer le destin de l’humanité.

J’aime beaucoup cette idée, purement idéaliste au sens philosophique du terme, selon laquelle les idées pourraient à ce point transformer les choses. Ce serait difficilement crédible dans notre monde, mais admettons. Le docteur Bruce Webster n’a pas quitté sa maison depuis des décennies, comme tous ceux qui ont choisi cette existence recluse, il a développé une phobie sociale et une peur viscérale du déplacement. Parviendra-t-il à surmonter cette angoisse pour sauver son ami, et l’humanité tout entière ? On apprend, dans la nouvelle suivante, qu’il n’y est pas parvenu, la philosophie martienne, dernier espoir d’un renouveau spirituel, s’est perdue à jamais. Et les problèmes ne font que s’empirer, notamment lorsque, des décennies plus tard,  les humains cherchent à comprendre la structure de Jupiter. Pour cela, ils créent une forme de vie éthérée, expérimentée sur certains hommes, capable d’explorer la géante gazeuse. Pourtant, aucun d’entre eux ne revient pour témoigner de ce qu’il a vu… Où disparaissent-ils ? 

Allez, je pense vous avoir mis l’eau à la bouche et je vais arrêter un peu les SPOILER, promis !

Je n'ai pas de preuves, mais je suis quasiment sur que le clip Da Funk des Daft Punk est inspiré de ce roman !

L’homme a survécu à tout, sauf à lui-même

L’idée développée par  Clifford D. Simak, est que les évolutions technologiques vont faire des êtres humains des êtres isolées, privées de liens véritables et d’aspirations supérieures à sa propre survie. Il deviendra impossible d’aspirer à une ambition collective. Même la conquête de l’espace, qui aurait pu représenter un dépassement de soi et un magnifique projet collectif, se transforme en impasse. Alors l’humanité se désagrège lentement, se désagrégeant dans de petits îlots de plus en plus solitaires…

Pourtant, tout n’est pas perdu. La mémoire des hommes et la survie du vivant est maintenue par une création hasardeuse, qui est celle des chiens désormais doués de parole. Ceux-ci ont hérité de l’intelligence et de la sensibilité de leurs créateurs. Ils élaborent leur propre culture, fondée sur la paix et la mémoire, le respect de la nature et des robots conçus eux aussi par les hommes, et devenus leurs serviteurs humanoïdes dans ce monde encore anthropisé. Ils deviennent aussi les gardiens de l’histoire humaine, tentant de comprendre et de ne pas refaire les mêmes erreurs. Leurs contes, transmis de génération en génération, perpétuent le souvenir des hommes disparus, ces êtres lointains qui leur ont offert la parole avant de s’éteindre à jamais. Mais alors que l’Ère des chiens commence à peine, un immense bâtiment noir ne cesse de s’accroitre et attire inexplicablement les robots à lui. Sous terre, une nouvelle civilisation, qui a elle aussi reçu un petit coup de pied aux fesses (ceux qui ont déjà lu le roman savent de quoi je parle !), semble prête à changer le monde…

Pour conclure

Dans ce genre de roman d’anticipation, il est toujours intéressant d’examiner les prédictions esquissées par l’auteur, d’autant plus qu’aujourd’hui, plus de soixante-dix ans après la parution de Demain les chiens, nous disposons du recul nécessaire pour en mesurer la clairvoyance. J’évoquais son anticipation réussie de la communication à distance et des visio, en revanche d’autres prédiction ne sont pas encore tout à fait exactes. Sommes-nous, comme l’imaginait Simak, tous isolés dans nos campagnes, tandis que les villes se vident lentement ? Il semblerait que non, pas encore. Les métropoles continuent d’attirer les foules par leur vitalité économique, culturelle et sociale, et l’expansion des zones périurbaines ne montre aucun signe d’essoufflement, comme nous pouvons le lire dans cet article

En revanche, les réseaux sociaux et la mobilité généralisée ont profondément transformé notre rapport à l’espace et aux autres. Les transports modernes ont fait de nous des globe-trotteurs permanents, au bilan carbone olympique… Paradoxalement, cette hyperconnexion s’accompagne d’une montée de l’anxiété sociale, devenue un vrai sujet de société. Cet article ci souligne la progression d’un sentiment de solitude, perceptible à l’échelle mondiale, et particulièrement préoccupant au Japon, où il prend parfois des formes extrêmes. 

J’aime particulièrement cette idée que la civilisation humaine n’est qu’une étape éphémère, vouée à être remplacée par d’autres formes de vie. Il y a quelque chose de réconfortant à s’extraire un instant de notre égocentrisme d’humains, à retrouver une certaine humilité face aux forces de la nature et aux hasards de l’évolution. J’ai adoré le postface où l’auteur évoque cette réflexion sur le souvenir qui s’éteint avec nous, et cette question vertigineuse, que deviendrait la Terre si l’homme venait à disparaître ? Si d’autres êtres, peut-être les animaux, prenaient un jour notre place ?
Allez, go me dévorer ce petit classique des familles !

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